You are currently viewing Une école de village : Nozières

Une école de village : Nozières

      Seule, mais pas isolée !

 

Devant la petite école du village à Nozières, quelques parents attendent la sortie des enfants. Nous allons rencontrer “la maîtresse”, Flora Nemoz.

En attendant que Flora discute avec quelques parents, nous faisons le tour des trois salles qui constituent l’école primaire publique de Nozières : la salle de classe, une salle de jeux, lecture ou sieste pour les plus petits, et une salle d’activités. De l’espace bien aménagé, pour ces 17 enfants de la Petite section au CM2.

Flora est institutrice depuis dix ans, et elle a toujours eu des classes multi-niveaux, par choix.

La classe unique, ça équilibre les énergies, la coopération se fait plus naturellement entre grands et petits, ça responsabilise les grands. J’ai de la chance et c’est cool d’être seule dans sa classe.”

Auparavant, elle a fait des études de théâtre pendant cinq ans. Elle a travaillé comme monitrice dans des colonies de vacances. Elle se posait beaucoup de questions à la fois sur le théâtre professionnel et sur l’éducation. Elle a constaté, au travers de différentes pratiques de théâtre, que ce qui avait le plus de sens, ce qui en tout cas faisait changer les mentalités, c’était de “faire les choses avec les gens”, plutôt que de leur proposer un spectacle tout fait, même très bien fait.

Elle a eu envie de passer du temps avec les enfants pour créer, exprimer ses passions et les partager. Elle a passé le concours de professeur des écoles et elle l’a réussi.

Elle s’est formée volontairement auprès de l’ICEM 34 (car elle vient de Montpellier), institut coopératif de l’école moderne, basé sur la pédagogie Freinet. Elle a fait le tour des classes coopératives de la région, en tant que stagiaire, et accompagné certaines en classes de découverte. Formée pour animer un GAPP, (Groupe d’analyses de pratiques pédagogiques), elle en a animé un sur Valence pendant cinq ans. Ces groupes permettent  d’avoir plusieurs regards sur des situations vécues en classe, d’échanger, de ne pas être isolé. Elle a récemment relancé un stage avec des enseignants de la région de Lamastre pour préparer la rentrée de façon coopérative.

Quand on lui dit que ses méthodes sont innovantes, cela la fait rire, mais cela  la met quand même un peu en colère. “ La pédagogie Freinet a plus de cinquante ans d’existence et elle a fait ses preuves !”

Ce qui l’anime, ce sont bien sûr ses passions : le théâtre, la radio, la musique et bien d’autres. Mais c’est essentiellement de faire vivre des pratiques alternatives au sein de l’école publique et de faire que ce soit accessible à tous les enfants habitant un même lieu. C’est une pédagogie de projets : correspondance scolaire, classes de découverte, émissions-radio, pratiques artistiques en collaboration avec des parents d’élèves…” La réputation que j’avais à l’école de Labatie m’a précédée à Nozières. Les parents m’attendaient à bras ouverts et comptaient bien que je fasse autant de projets que j’en avais fait à Labatie.” Il faut quand-même parler de ce projet remarquable de classe itinérante à vélo sur la Dolce Via de St Agrève au Cheylard pendant une semaine, avec des représentations du spectacle des enfants de Labatie dans les diverses écoles du parcours. Chapeau !

 

Cette année, à Nozières, les enfants ont réalisé une grande fresque sous le préau, à partir des dessins de chacun, sur le thème de la jungle. Comme ils étaient fiers le jour de l’inauguration !

Et pour l’année scolaire il n’y pas moins de deux  projets de classe de découverte, dont l’une a été faite en tout début d’année scolaire au lac de Devesset. Deux classes de découverte dans la même année ! D’aucuns jugent cela très audacieux !

“ Au début, j’avais peur que le cadre de l’enseignement public soit trop contraignant. Mais je me rends compte que ce sont souvent les enseignants eux-mêmes qui se mettent des barrières, par peur des dossiers compliqués, des conditions de sécurité drastiques. Mais il y a moyen de monter un projet audacieux et sécurisé, et de le défendre auprès de l’inspection. Je n’ai jamais eu de problème avec ça.”

 

Ses objectifs principaux, c’est de donner du sens à ce qu’on fait en classe, de faire en sorte que les enfants grandissent en se posant des questions et en faisant des choses ensemble, pour dessiner la société de demain.

 

Les qualités indispensables d’un pédagogue, à son avis : l’ouverture d’esprit, savoir se remettre en question, le contact avec les familles et l’échange, le plaisir, la joie et l’humour !

 

Ses craintes et ses espoirs pour l’école de demain :

Pour Flora, la base du problème de l’école publique réside dans  le fait qu’il n’y a plus de formation initiale. On se prépare pour le concours et c’est tout. Il faut une volonté personnelle ensuite (et du temps) pour aller voir ce qui se passe dans des classes, s’intéresser à d’autres pédagogies, participer à des groupes d’analyse de pratiques etc…Tout  ceci devrait faire partie d’un temps de formation pour tous au début.

Flora espère que de plus en plus de jeunes collègues feront ces démarches et pourront échanger dans des réseaux comme l’ ICEM. Elle a à cœur de défendre le service public d’éducation dont la mission est d’offrir une éducation de qualité à tous.

Elle craint fortement un démantèlement du service public d’éducation, comme nombre de services publics. Pour elle, cela entraînerait une éducation à deux vitesses, avec des écoles privées réservées à une certaine classe de la société et,de ce fait, une fracture sociale importante.

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.