Faire ce que je peux là où je suis
Mathilde est née et a grandi en Bretagne. Elle voulait élever des chèvres, mais elle s’est assez vite rendu compte qu’elle avait besoin de contact humain, et s’est réorientée vers le métier d’infirmière. Après son diplôme en 2016, elle a rencontré son compagnon et l’a suivi à Desaignes.
Elle n’a eu aucun mal à trouver un emploi d’infirmière dans un Ehpad de la région. Mais elle a vite constaté qu’il lui était impossible de prendre soin des résidents comme elle l’aurait souhaité. A bout de force, elle a fini par démissionner, et par écrire une lettre ouverte à la ministre de la santé, Agnès Buzin, pour expliquer son désarroi face à la situation créée par le manque de personnel dans les établissements de soin publics. Cette lettre a attiré l’attention d’un éditeur, les éditions du Rocher, qui lui ont proposé d’écrire un livre sur son expérience. C’est ainsi qu’elle a écrit son ouvrage : « J’ai rendu mon uniforme. » Publié en 2019, en plein mouvement de protestation des soignants, ce livre a eu un grand écho.
Mathilde s’est donc retrouvée sous les projecteurs, invitée sur les plateaux télé- « un autre monde », dit-elle – pour donner son témoignage.
Mais ce succès médiatique avait un revers de taille : Mathilde craignait d’être « grillée » dans sa profession pour en avoir dénoncé les dysfonctionnements. C’est pourtant grâce à ce geste de défi qu’elle a été choisie par le Centre Médico-Psychologique de Lamastre, qui cherchait quelqu’un capable d’y travailler en autonomie. Cette frêle jeune femme leur a paru avoir le caractère bien trempé et la motivation nécessaire pour assurer seule l’accueil des patients pendant un premier temps.
Elle est maintenant bien installée au CMP et son travail la passionne. Elle n’est plus seule à y officier, il y a actuellement 3 personnes à 80 %. Ils assurent l’accueil et le suivi des soins, dans le respect de la charte de confidentialité et de bienveillance. Le fait de travailler en équipe est très important. Mathilde a initié des activités de médiation thérapeutique : marche, collages, poterie, jeux de société,,,
La plupart des gens qui fréquentent le Centre y ont été orientés par un médecin, une assistante sociale, leurs parents ou la justice ; mais certains y viennent spontanément.
Ce que Mathilde apprécie particulièrement dans la médecine psychiatrique, c’est de pouvoir passer plus de temps avec la personne. Il y a un côté plus humain, moins technique que ce qu’elle avait connu jusque-là. Le rythme de travail lui convient aussi davantage.
Elle a choisi le métier d’infirmière par conviction philosophique :
« Faire ce que je peux là où je suis »
Dans son travail actuel, sa motivation principale est de « faire continuer à exister la santé mentale en milieu rural. »
Elle remarque que la relation soignant- patient n’est pas à sens unique. Il y a une sorte d’effet miroir qui permet au soignant de mieux se connaître lui-même.
Elle ajoute que la présence d’un psychiatre seulement une fois par mois est insuffisante.
D’après elle, pour travailler dans le soin, il faut savoir se remettre en question, « se regarder penser et agir : par exemple, s’interroger : est-ce que mes paroles vont être utiles ? » On a également besoin d’un bon sens de l’organisation, et d’être bien dans sa propre vie. « Avoir une vie privée riche permet de pouvoir donner » ! Une maxime qu’elle met en pratique grâce à une autre de ses passions ; la musique.
Elle n’a pas eu à souffrir de discrimination particulière en tant que femme dans sa profession. Au contraire, les patients sont souvent en recherche de maternage. L’égalité homme-femme lui paraît naturelle, il n’est « pas utile de brandir un étendard », dit-elle.
Pour l’avenir, elle craint une pénurie médicale, surtout en psychiatrie. Mais elle espère que les nombreuses initiatives professionnelles et associatives permettront de « maintenir un maillage suffisamment solide pour faire face aux problèmes ».
Contact : CMP Lamastre 04 75 06 33 51