“Bien faire pour l’autre !”
Anabel travaille à l’EHPAD de Lalouvesc depuis 2021. Arrivée en Ardèche à Nozières en 2010 avec son conjoint qui reprenait une exploitation agricole, elle a d’abord travaillé comme aide à domicile pendant quelques années, après avoir fait une formation sur l’aide à la personne. Ce n’était pas du tout son domaine jusqu’alors, puisqu’elle était auparavant secrétaire-comptable. C’était un changement de vie total. Mais l’environnement lui plaisait beaucoup. « Je regarde encore avec admiration le paysage, à toutes les saisons ! » nous dit-elle.
Cette activité d’aide à la personne lui a plu d’emblée. C’était se sentir utile socialement. « J’aime les gens, le contact, le rapport humain ; et je suis plus à l’aise avec les personnes âgées qu’avec les jeunes enfants ». Elle a quitté l’aide à domicile en 2018, parce que cela devenait compliqué à gérer au niveau des horaires et des déplacements, avec trois enfants à la maison.
Elle a alors travaillé à l’EHPAD de Lamastre pendant trois ans, puis à celui de Lalouvesc, où elle travaille maintenant de nuit, en cantou (secteur fermé, qui accueille les résidents qui ont des problèmes de santé mentale ou de maladie d’Alzheimer).
Contrairement à beaucoup d’idées reçues, elle trouve que les résidents en cantou sont plus libres que ceux du service Ehpad normal : ils peuvent aller et venir dans le service, ont un espace extérieur où ils peuvent accéder quand ils le souhaitent et rester autant qu’ils veulent. Les ASH proposent des animations l’après-midi : cuisine, chant, travaux manuels…Cela permet de canaliser les personnes qui déambulent à longueur de temps. Anabel trouve que les ASH en cantou ont plus de temps avec les résidents que dans les services normaux de l’EHPAD.
Pendant le travail de nuit, il y a beaucoup d’interventions et de surveillance car les angoisses, le sentiment d’abandon, sont plus forts la nuit. Il faut aussi être toujours vigilants par rapport aux chutes. « Il faut souvent intervenir pour resituer les personnes dans le temps, rassurer, raccompagner… »
Ce qui motive Anabel dans son travail, c’est l’envie de « bien faire pour l’autre ».
« Il faut être à l’écoute, être passionné, être dans la bienveillance et le respect de l’autre. On est dans l’intimité de la personne ; il ne faut pas avoir peur du corps humain, des différences. On est aussi le référent pour les familles, qui ont des attentes. C’est souvent douloureux pour une famille de placer son père ou sa mère en EHPAD, c’est vécu comme un dernier recours. Alors on doit vraiment être là pour les résidents et prendre du temps avec eux. On reste humain, on est en contact avec des humains.»
Anabel se sent très touchée par la reconnaissance des résidents, qui ne s’exprime pas toujours oralement, mais parfois par le toucher, le sourire, le câlin ou le bisou. C’est particulièrement touchant quand un résident arrive à dire « Je t’aime » à son aide-soignante.
« Quand une soignante peut s’asseoir quelques minutes au bord du lit et tenir la main de la personne, c’est très important, et on prendra toujours le temps de le faire, même si on manque de moyens humains. »
Anabel espère qu’il y ait encore beaucoup de personnes qui aient envie de s’occuper des personnes âgées, car on va vers une population vieillissante et il y a moins de vocations dans ce domaine. « Des collègues retraitées sont parfois appelées pour faire des remplacements, ou bien il faut passer par des agences d’intérim ou revenir sur nos jours de repos. »
La précarisation de ces métiers pèse comme une épée de Damoclès. Il y a trop de petits contrats renouvelés six mois par six mois, quand ce n’est pas tous les deux mois, comme c’était le cas pour Anabel à l’EHPAD de Lamastre. Ici, on lui propose un contrat d’un an et la formation d’aide-soignante ; ceci lui permet d’être stagiaire de la fonction publique depuis le début 2024. Avec cette formation d’une année scolaire à Annonay, elle pourra être titularisée. C’est une reconnaissance et cela donne la sécurité de l’emploi. Anabel se réjouit à l’idée d’apprendre de nouvelles choses, de voir d’autres services, au cours de cette formation.
On constate la présence plus rare des hommes dans le secteur du soin à la personne. Anabel le regrette, car les hommes ont souvent un autre regard, un autre rapport avec les résidents ; et la présence d’un homme au milieu d’un groupe de femmes change l’ambiance, apporte souvent un peu d’humour.
Anabel nous livre un beau message : « Il ne faut pas avoir peur de changer de vie, rester curieuse, ne pas se laisser enfermer dans une case, accepter de sortir de sa zone de confort, apprendre encore, s’enrichir des autres. »