“L’anomalie” d’ Hervé Le tellier
Prix Goncourt 2020-Editions Gallimard
La première partie semble un peu longue : on y découvre douze portraits de personnages qui n’ont rien à voir les uns avec les autres si ce n’est qu’ils ont tous été passagers du même avion, sur un vol Paris-New York. Ce voyage a laissé à tous des souvenirs impérissables à cause des violentes turbulences que l’avion a subies en traversant un orage hors du commun.
On comprend où est “ l’anomalie” lorsqu’un deuxième avion, avec les mêmes personnes à son bord, traverse le même orage et se pose…trois mois plus tard !
Chaque passager a donc un double, et l’avion aussi est exactement le même, les numéros des pièces le confirment. Devant cette énigme, l’armée, le FBI, les gouvernements, les scientifiques se mobilisent, tandis que les passagers “en double” sont maintenus enfermés dans un hangar.
On est accrochés par les portraits de la première partie et on a envie de savoir comment l’auteur va se sortir de cette situation invraisemblable. On craint un moment que tous les “doubles” soient fusillés, car aucune explication sensée ne peut être trouvée. Chacun va pourtant rencontrer son double, ou plutôt se rencontrer lui-même, sauf celui qui, entre-temps, s’est suicidé ! Hervé Le Tellier réussit là une habile mise en abyme, car le suicidé est un romancier médiocre, qui a écrit en trois mois un livre nommé “ l’anomalie”, et s’est suicidé juste après, ce qui lui a valu un grand succès posthume.
Hervé Le Tellier manie admirablement les différents styles d’écriture et champs lexicaux, du langage très technique et scientifique, au langage des sectes religieuses fanatisées qui voient dans ce phénomène l’œuvre de Satan.
Bien entendu, aucune explication rationnelle ne pourra être fournie et on reste sur une étrange impression de malaise quand est évoquée l’idée que nous sommes peut-être tous les personnages virtuels d’un immense jeu vidéo à l’échelle mondiale et que nous sommes “ reproductibles” à l’infini… Mais qui tient les manettes ?
Anisette