Qu’y a-t-il au menu ?
Il y a beaucoup de choses dont nous profitons et qui nous paraissent aller de soi, comme par exemple la Sécurité sociale. Pourtant, il fut un temps où c’était une idée neuve, idée qui a dû se frayer un chemin parmi les peurs et les préjugés d’une époque. Il en sera peut-être de même avec la Sécurité Sociale de l’Alimentation ( SSA). Ce concept est en train de se mettre en place à divers endroits et sous différentes formes. A Lamastre, depuis 2024, un groupe de gens motivés réfléchit à cette mise en place. Pour en parler, nous avons donc rencontré trois de ces personnes : Sylviane Poulenard, Christophe Besson et Isabelle Lambert.

Quelle a été votre motivation première ?
C’est le constat qu’il y a encore en France des gens qui ne mangent pas à leur faim (environ 26%), et d’autres qui n’ont pas les moyens de se payer une nourriture de qualité – et ceci alors que beaucoup de petits producteurs peinent à gagner correctement leur vie ! Le droit à une alimentation abondante et saine est pourtant un droit humain fondamental reconnu par tous, et qui devrait être garanti par les institutions. Comme ce n’est malheureusement pas le cas, des associations pallient à cette carence : les Restos du cœur, le Secours catholique, le Secours populaire, l’Armée du salut, etc… Bien sûr, le travail fourni par les bénévoles de ces associations est vital, et irremplaçable dans les situations d’urgence, mais il ne résout pas les problèmes de fond. Il peut y avoir des effets pervers : la défiscalisation des dons peut pousser certains grands groupes à surproduire des biens de mauvaise qualité qui ne favoriseront pas la santé des bénéficiaires. L’idée de la Sécurité sociale de l’alimentation permettrait de sortir de ce dilemme.
Pouvez-vous nous expliquer comment cela pourrait fonctionner ?
Le concept de base repose sur trois piliers, les mêmes que pour la Sécurité sociale dans le domaine de la santé : universalité, cotisation conventionnement. C’est-à-dire que tout le monde y a droit, sans aucune distinction. Chacun paie une cotisation en fonction de ses revenus, et il y a une convention entre les différentes parties – ici, les agriculteurs et les consommateurs.
Nous tenons beaucoup à avoir un conventionnement local, afin de garder la main sur le fonctionnement de nos collectifs, et de mieux nous adapter au territoire. Avant de lancer notre projet, nous avons rendu visite à deux groupes déjà bien engagés dans le processus : un à Dieulefit dans la Drôme, et l’autre dans la vallée de l’Eyrieux, ce qui nous a permis de voir différentes formes de fonctionnement.
Il s’agit donc de verser une allocation de 150€ par personne et par mois, à dépenser bien sûr chez les producteurs conventionnés, pour avoir accès à une alimentation locale et de qualité. Les critères et les prix des aliments sont définis démocratiquement par les adhérents et les producteurs. Le but du jeu est de favoriser la mixité sociale, la solidarité, et l’art de bien se nourrir, bien sûr !
Être en zone rurale facilite le lien entre producteurs, transformateurs et consommateurs.
Un dernier message ?
Se nourrir, ce n’est pas seulement un besoin, mais aussi une question d’éthique, de justice. Nous devons nous réapproprier notre alimentation. Et pour cela, il faut agir localement, en lien avec les producteurs. Cela ne peut se faire qu’en retrouvant une forme de démocratie réelle, concrète, basée sur des circuits courts. Nous faisons donc appel à toutes les bonnes volontés pour que ce projet devienne une réalité chez nous aussi !
Contact : ssanordardeche@mailo.com
