Au mois de Juin 2022, nous avons eu la chance de pouvoir rencontrer les paysannes et la dessinatrice auteures de la bande dessinée « Il est où le patron ? ».
Cette rencontre, organisée par l’équipe du « Bistrot » de St Laurent du Pape et par Pascale du « Mokiroule », nous a permis de faire la connaissance de Céline Berthier et Marion Boissier (deux des 5 paysannes qui ont participé à la réalisation de cette BD), ainsi que de Maud Bénézit, la dessinatrice.
Une trentaine de personnes étaient présentes, profitant d’un accueil très sympathique, avec un coin du restaurant aménagé en salon. Marion, Céline et Maud n’étaient pas en polaire ! Mois de Juin oblige !
Comment est née l’idée de cette bande dessinée et comment ont-elles travaillé ensemble ?
L’origine de cette aventure germe en 2014. Deux paysannes ont l’idée de faire une BD pour relater l’amour de leur métier en tant que femmes et dénoncer le sexisme qui y règne. Après une rencontre avec Maud, enthousiasmée par ce projet, toutes trois décident de l’élargir à d’autres femmes du monde agricole. A partir de 2017, elles sont six à travailler à la réalisation de cette BD, en se rencontrant régulièrement, en ajoutant de nouvelles anecdotes tirées de leur vécu quotidien. La bande dessinée sera éditée finalement en 2021, après avoir été proposée à 36 lectrices pour affiner le travail.
Trois ans et demi de véritable consensus à l’élaboration des dessins et textes, minutieusement repris afin d’être le plus concis possible pour la mise en image d’une histoire, l’histoire de trois femmes (personnages inventés) dans leur vie au quotidien en agriculture.
Quelle était l’intention de cet ouvrage ?
L’idée de plusieurs personnages avec une histoire nouvelle à chaque page a été unanimement rejetée, car trop réductrice pour la mise en lumière du sexisme existant et dont la prise de conscience se fait au fil du temps ; comme celle de Coline, bergère en couple avec enfants (personnage le plus répandu), qui ne se dit pas féministe au début de l’histoire. Puis « chaussée de lunettes féministes », elle réalise l’accumulation de faits répétés entraînant sa réaction de colère. La banalisation insidieuse des propos, qui peuvent paraître anodins, implique un temps de réaction plus ou moins long pour une meilleure compréhension de la réalité du vécu.
« Voir ainsi comment ça se fait dans le quotidien, cette histoire de sexisme ! »
Dans cette BD, l’importance des propos, sous couvert d’humour et de dérision, tout en finesse, pas « rentre dedans », mais percutant, avec une mise à distance, permet d’arriver à en rire. « Mais pas pour entendre : « C’est léger, c’est drôle ! ». Non, c’est pas drôle ! » Faut-il vraiment en rire ?
« Nous ne sommes pas des superwomen, même si on en rêve ! Les super féministes n’existent pas… en fait, on en chie ! »
Dans cette BD, la référence à Anne Sylvestre, chanteuse féministe engagée, a été faite avec son accord pour des pages concernant sa chanson « Bergère », fredonnée par les paysannes en polaire « fans d’elle ».
Et maintenant ?
Après le succès de cette BD, le changement dans la vie de Maud, Céline et Marion n’est pas évident. Elles ressentent la lourdeur qui perdure pour réussir à faire entendre la cause des femmes.
« Je suis très touchée par le nombre de témoignages qu’on a reçus. Ça consolide mes convictions : Si ! Ce qu’on a raconté, c’est vrai ! »
« J’ai un changement de regard sur mon métier d’autrice et dans mon quotidien avec la mise des fameuses lunettes féministes et l’ouverture à Instagram » nous dit Maud.
« À la Confédération Paysanne, l’échange avec cette BD comme support pour faire bouger les choses, renforce d’autres femmes dans ce combat », témoigne Céline.
Cette bande dessinée est proposée pour un public à informer et non convaincu. Cette revendication réalisée dans le monde paysan va au-delà du monde agricole, le sexisme n’est pas limité à ce monde-là.
Bravo à toutes pour cet ouvrage !